L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris.
(Colbert)

Un flot d’informations réductrices et fallacieuses inonde l’espace public depuis quelques jours, s’agissant de l’écotaxe en Bretagne. Cette vague de désinformation se propage sur trois lignes de front :

 
1) L’écotaxe ne serait qu’un épiphénomène qui masque les vrais problèmes de fond de l’agro-alimentaire breton


2) L’écotaxe serait quantité négligeable pour le consommateur, c’est à peine s’il s’en rendra compte : un centime sur un camembert !


3) Les Bretons bénéficieraient d’un traitement de faveur vis-à-vis des autres régions et devraient donc au moins se taire, s’ils ne savent pas dire merci !


Cette déferlante appelle une mise au point :

 

 

1-L’ecotaxe n’est pas un épiphénomène

 


1-a) L’écotaxe n’est certes pas le seul problème auquel les bretons doivent faire face. Le carcan administratif en est un autre. Le blocage administratif des projets d’investissement dans l’élevage porcin, par exemple, explique que très peu de projets de méthanisation aient vu le jour en Bretagne alors qu’ils apportent une réponse environnementale satisfaisante en même temps qu’un revenu complémentaire à l’éleveur. L’Allemagne le démontre chaque jour : 6000 ateliers de méthanisation sont en place dans leur filière porcine pour moins de 50 en Bretagne, et des centaines de permis sont bloqués à Saint-Brieuc ! Si les abattoirs se vident il faut savoir pourquoi. La concurrence sauvage et inacceptable sur les coûts salariaux explique en partie la non compétitivité bretonne, mais l’administration française double la mise.

1-b) A force de crier haut et fort que la filière agroalimentaire bretonne n’a pas su créer de valeur ajoutée, on finirait par croire que nos productions sont de médiocre qualité. C’est une vision erronée : notre savoir-faire agroalimentaire est connu et reconnu dans le monde entier : la Chine, le Vietnam, la Malaisie, le Maghreb, reconnaissent notre qualité et nous demandent de les aider chez eux. La demande européenne et mondiale pour des produits de première nécessité, simples, sains, et accessibles à toutes les bourses est considérable. Le marché « premium » existe aussi, et notamment en Bretagne. Mais il n’est pas pourtant épargné par les difficultés. Les démarches exemplaires de sociétés comme Hénaff ou Guyader qui ont fait de la qualité et de l’innovation leur crédo, sont là pour en attester.

1-c) Il est abusif de parler « du modèle breton ». Il y a longtemps que la diversité des approches, tant dans l’agriculture que dans l’industrie a fait émerger une économie que l’on ne peut résumer aux crises de la volaille, du porc ou du lait. Même dans ces trois filières, une grande variété de marchés est travaillée. Depuis les circuits courts d’hyper-proximité jusqu’au grand export. Certaines démarches industrielles, comme la nouvelle usine de mozzarella d’HCI à Herbignac (240 emplois), se placent résolument et avec succès sur le marché mondial. Ce qui démontre qu’il est possible d’être compétitif en Bretagne sur des produits simples et sains. Dans un tout autre registre, l’entreprise Triballat à Noyal-sur-Vilaine (35), est leader des produits laitiers bio en France avec sa marque Vrai.


2-L’écotaxe n’est pas quantité négligeable


2-a) Pour des entreprises dont les comptes sont serrés, c’est assez pour basculer dans le rouge. Et c’est potentiellement le cas de nombreuses PME, puisque leurs marges brutes se sont réduites de 25 points depuis les années 90 et sont en chute libre depuis 2009 (source Insee, calcul Ania). L’addition sera salée : 400 000€ pour une entreprise comme Altho (200 salariés à Saint-Gérand), 1 000 000 € pour une coopérative comme Savéol (310 salariés à Plougastel-Daoulas). Ces sommes ne viennent pas en déduction du chiffre d’affaires, mais bien du résultat des entreprises. C’est autrement grave !

2-b) Ces sommes seront-elles répercutées aux consommateurs ? Rien n’est moins sûr. Car il faut aussi passer les hausses de coût matières et toutes les autres hausses… Or « le prix compétitif », quoiqu’on en dise, est le critère de choix numéro un du consommateur, dans la vraie vie, devant le made in France. (Source Crédoc-Enquêtes de consommations).

2-c) Quant aux transporteurs, le système de surfacturation forfaitaire dont ils bénéficient ne les dédouanent pas d’une rude négociation avec les chargeurs. Beaucoup n’en sortiront pas vivants. Face à une hausse de 5% du budget transport des donneurs d’ordre du fait de l’écotaxe, ceux-ci ont tous lancé des appels d’offre. Personne ne veut de cette taxe, personne ne peut économiquement la supporter. Elle va augmenter encore les tensions entre transporteurs et chargeurs et entre distributeurs et fabricants, dans une période ou le dialogue et les relations collaboratives doivent progresser. Un important grossiste rennais s’en alarmait récemment : « j’ai détruit en un mois la relation que j’avais mis six ans à construire avec mon transporteur ».

3-les Bretons ne sont en rien privilégiés !
Les Bretons ne bénéficient d’aucun régime de faveur. Portons à leur crédit qu’ils ont su conserver une saine capacité d’indignation. Puisse leur combat servir le bien commun de toutes les régions. Trois chiffres ont circulé récemment. Ils sont exacts et d’autant plus trompeurs ! Seul 1,2% du réseau breton est taxé, les Bretons bénéficient d’un abattement de 50% du taux forfaitaire initialement prévu, au lieu de 110 millions, ils ne paieront donc « que » 40 millions. Le taux de majoration forfaitaire du transport sera de 3,7%, au lieu de 5,2% pour le national (et non 4,8% comme on lit parfois, car au premier janvier, c’est-à-dire le jour de son entrée en vigueur, la taxe augmente de 10%, sic !)
Pourquoi ces chiffres sont-ils trompeurs ? Parce que ce qui importe ce n’est pas le taux de remise, mais ce qu’il faut réellement payer au bout du compte! Or 3,7% de surfacturation en Bretagne, (il avait d’abord été question de 2,9%) c’est plus que le taux de la région Rhône-Alpes (3,4%), de la Franche Comté (3,3%), du Midi-Pyrénées (2,8%), de la Provence Alpes Côte d’Azur (2,7%), de l’Aquitaine (2,3%), du Languedoc Roussillon (2,1%), ou encore de la Corse (0%), sachant que les six premières régions citées bénéficient d’un réseau autoroutier, non soumis à écotaxe. (Pourquoi du reste ? On ne pollue pas quand on prend l’autoroute ?)
Mais aussi parce que l’abattement ne vaut qu’à l’intérieur des limites administratives de la Bretagne. Dès que l’on sort de ces limites, on paye le taux fort (5,2%). Or la Bretagne est le premier garde-manger de la France : plus de 20% de l’agro-alimentaire. Elle est structurellement exportatrice hors de ses frontières régionales.
Au passage, le fait que la Loire-Atlantique ne soit pas considérée bretonne par l’administration nous vaut le taux fort dans nos relations commerciales avec la Loire-Atlantique, pourtant une destination naturelle importante pour nombre de nos entreprises. Une marchandise transportée de Brest à Nantes paiera 5,2%. Même punition pour les Nantais. Les marchandises qu’ils expédieront en Bretagne administrative paieront le prix fort : 5,2%.


Qu’en est-il de la vocation de l’écotaxe ?
L’écotaxe a-t-elle une chance d’atteindre son but, c’est-à-dire le report de la route vers le rail ou vers d’autres modes de transports moins polluants ? Il est permis d’en douter quand Jean-Marc Ayrault promet d’engager 100 millions « dans l’avenir » (on appréciera la précision) pour achever la quatre voies N164, au motif qu’elle est gratuite… Etrange façon d’encourager les alternatives à la route, on en conviendra. Se souvient-on seulement, dans ce concert de reniements, de l’objectif de réduction de 20% des émissions de CO2 d’ici à 2020 ?
L’économiste Christian Saint-Etienne ne cache pas son scepticisme, quand il explique dans les colonnes d’Ouest-France (20 octobre) que l’Ouest restera très dépendant du camion : « Je ne pense pas que ce soit une politique anti-camion ou anti-voiture qu’il faille mettre en œuvre, puisque 80% des déplacements des personnes et des marchandises en Europe sont effectués par ces moyens de transports. Il ne sera jamais économique de traiter de petites quantités de marchandises par des trains ! Ce qu’il faut favoriser, ce sont les moteurs non polluants, électriques et hybrides. Et des innovations pour les camions afin de baisser massivement leur consommation de gazole. L’intérêt de l’écotaxe, c’est qu’elle obligera entreprises et distributeurs à optimiser les transports, ce qui contribuera à réduire la pollution ».
Sur ce dernier point, notre économiste est mal informé. Les distributeurs, les entreprises et les transporteurs n’ont pas attendu l’écotaxe pour optimiser leurs chargements aller et retour. C’est faire injure aux transporteurs que les soupçonner d’ignorer ce qui fait le cœur de leur métier ! Des initiatives remarquables comme le GIE des Chargeurs de la Pointe de Bretagne ou Combiwest en apportent une preuve vivante. Proposons en lieu et place de l’écotaxe un stage en entreprise à tous ceux qui doutent encore…
Mais Christian Saint-Etienne a probablement raison sur le fond : les camions resteront longtemps. Toutefois, sait-on les extraordinaires progrès accomplis par les véhicules de plus de 3,5 tonnes depuis 10 ans en matière d’environnement ? Sait-on par exemple que sur cette période, ces poids lourds ont réduit de 85% leurs émissions de particules ? Sait-on que nombre d’entre eux ont signé avec l’ADEME une charte de réduction des émissions de CO2 ? Les camions de plus de 3,5 tonnes, visés aujourd’hui par l’Ecotaxe ne sont pas aujourd’hui les plus polluants, loin s’en faut !

Ecotaxe ou Taxe&Co ?
Aller vers une économie durable et respectueuse des Hommes et de leur environnement est un formidable défi auquel nous souscrivons sans réserve. Commençons par éviter le gaspillage, et plus encore en période de vaches maigres. Eviter le gaspillage est une saine préoccupation. Que n’est-elle mieux partagée par ceux qui nous gouvernent depuis 30 ans. Vous l’avez bien noté : 300 millions sur les 1,2 milliard prélevés par l’écotaxe seront consommés par son système de recouvrement. Le mode de surfacturation forfaitaire aux donneurs d’ordre, qui a finalement été adopté, permettait pourtant, sans boitiers ni portiques, de prélever l’écotaxe en pied de facture tout simplement. 300 millions d’économie et un sac de nœuds en moins, vous imaginez, chaque année 20 fois les 15 millions « offerts » par le gouvernement aux Bretons. Qui dit mieux ?
Pourquoi avoir choisi un système aussi dispendieux ? Peut-être pour préparer la suite… Les portiques sont très efficaces dit-on. Camions légers et automobilistes, prenez date !
Au fait, vous a-t-on dit qu’en vendant les autoroutes, la France a perdu une rente annuelle de 1,2 milliard par an. 1,2 milliard, quelle coïncidence…


Non à la grande entourloupe. Non à l’écotaxe.
La Bretagne veut être déclarée zone franche.
L’écotaxe est injuste : plus on est loin plus c’est cher. Est-on d’autant plus coupable que l’on est éloigné de la capitale ? « L’écotaxe est un impôt sur le handicap » écrit René Perez dans le Télégramme.
L’écotaxe décourage le made in France, car les produits importés payent une fois la taxe alors que les produits qui respectent le made in France du début à la fin peuvent cumuler jusqu’à 6 fois la pénalité.
L’écotaxe renie son objectif : elle aide à financer des routes en Bretagne !
L’écotaxe est un gaspillage qui coûte 300 millions en frais de gestion par an alors que des solutions simples et très peu couteuses existaient
L’écotaxe est délétère, car les petits transporteurs et les entreprises les plus éloignées et les plus fragilisées par la crise ne pourront pas s’en remettre. ■

Produit en Bretagne

 

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