L’ industriel breton Alain Glon est connu pour ses visions claires des choses en agro-alimentaire et en économie. En voici le chapitre 2013.

Voici le texte sur la situation de la France en général et de la Bretagne en particulier que nous offre M. Glon:

 

LES EXPLICATIONS : Compétitivité, Récession, Probité

La Bretagne est, à un degré bien plus dense que la Vendée, et comme nulle part ailleurs en France, une région où se superposent, se complètent, s’imbriquent des activités d’élevage et de transformation, de stockage et transports des produits alimentaires en grande quantité. Cette situation conduit à un haut niveau de conscience et de solidarité au sein de familles et aussi au travers d’associations diverses dont le nombre est le double de celui des autres
territoires de France.
Les Bretons ont conscience que, alors que leur histoire, leurs talents, leur courage et probité ne sont pas en cause, des activités se meurent, quand bien même elles coïncident avec les besoins du monde.
Les réactions de la Bretagne vont être violentes dès lors que vont se rejoindre le désespoir ouvrier et celui de l’agriculture. La Bretagne ne souhaite pas devenir Beauce, les Bretons sont de plus en plus nombreux à comprendre qu’ils ont chez eux 99% de ce qu’il faut et ailleurs 1% de ce qu’il ne faudrait plus.

COMPÉTITIVITÉ : le fluide vital pour le contrat spatial.

Au cours des trente dernières années la France a renoncé à son adaptation au monde à raison de 1% par an. Nous sommes à 30% de ce qui conviendrait, à 120° dit le marin. Ceci est vrai pour la formation, la confiance, l’envie.

La situation se dégrade rapidement et peut être ainsi appréciée :
– Jusque 2002 nous avons ‘mangé’ le gain compétitif que nous avions sur les Allemands. Nous disons ‘les Allemands’ ou ‘l’Allemagne’ pour simplifier mais il convient de considérer qu’il s’agit des pays de religion protestante au sein de la communauté européenne. Nous disons 2002 parce que c’est l’année où l’Allemagne s’est donnée un plan stratégique et une gouvernance agri/agro.
– Depuis 2002 nous avons perdu d’abord 1% de compétitivité par an, ce qui permettait aux Allemands, par leurs Lidl, Aldi et autres Norma, de pénétrer marginalement le territoire français d’environ 100 km chaque année.
– Désormais la perte de compétitivité est estimée à 2% l’an. Il s’agit de 1% de perdu par nous parce que nous ne réformons pas assez vite (élevages, usines, charges) et de 1% que les Allemands gagnent en raison de la saturation de leurs usines (100h/hebdo contre 70 en France), de leur modernisation (robotisation), de la dilution des charges sur des volumes en croissance. Ce que nous disons des usines est tout aussi vrai dans les élevages puisque les
Allemands ont considéré et mis en place des mesures spécifiques pour que 25% du revenu des éleveurs proviennent d’autres activités que l’élevage principal (d’où Méthanisation, photovoltaïque…) et qu’une ‘règle d’or’ garantissait un différentiel permanent par la TVA et les coûts de main-d’œuvre le temps nécessaire pour que la France notamment ‘décroche’. (Documents)
– En Janvier 2013 l’écart de compétitivité est à 12% il va continuer de s’accroître de 2% en 2013 auxquels il convient d’ajouter 2% par l’écotaxe (1er juillet) et possiblement 2% induit si arrêt du poulet export. Nous en serons à 18% de différentiel en janvier 2014. Alors commencera à s’enclencher le cycle infernal du prix de la nourriture, hausse des salaires, perte de compétitivité. Ce sera cela où les ‘émeutes de la faim’.
A partir d’un différentiel de 10% (2011) la Grande distribution française a commencé à s’approvisionner dans les pays voisins pour ne pas se faire trop ‘manger’ par le hard discount d’outre Rhin. Cet approvisionnement à l’étranger est désormais l’usage, (Auchan en porc, Casino en lait, Leclerc en poulet,…) il se fait par camions complets sur des articles peu nombreux, les producteurs Français devant quant à eux assurer des livraisons chaque deux jours pour faire l’appoint des approvisionnements et leurs coûts de transport explosent.
Sachant qu’un écart de 1% correspond à environ 100 km routier, la France est désormais accessible dans sa totalité par des camions étrangers. Pis encore, il est question d’une plate-forme rail/route en Bretagne qui permettrait aux Allemands d’acheminer des trains complets au cœur de notre dispositif, mettant nos marchés à leur merci pour les produits plus élaborés cette fois.
Il existe désormais en Bretagne une situation de non-retour (sauf plan stratégique adapté), la baisse du pouvoir d’achat amène les consommateurs à se détourner des produits trop marketés, (labels…) renforçant les gammes courtes livrées par camions complets depuis les pays voisins.

RÉCESSION : un temps nouveau, inédit :

Nous sommes entrés dans une époque nouvelle qui est celle de la récession. En effet si au global la France est à zéro croissance, compte tenu de la part de la dépense publique, le secteur exposé à la compétition internationale connait une récession d’environ 5% par an.
En cette circonstance nous savons que la disparition des entreprises les plus faibles ne renforce plus les survivantes. Par ailleurs nous observons que l’addition des intérêts particuliers ne correspond plus à l’intérêt général.
Des analyses et des pratiques des organismes de contrôle de la concurrence comme bien d’autres appliquent des réglementations adaptées à la croissance et qui sont désormais contre productives.
Il en résulte une exaspération qui sont des ferments de violence : les amendes infligées aux abattoirs de porcs par exemple, seront à l’évidence payées par les éleveurs puisque nombres d’abattoirs sont en pertes financières.

La prise en compte des Territoires selon le paramètre global de la tranquillité est une réponse que la France devra adopter un jour, faute de faire fructifier ses différences territoriales c’est le déclin.

IMPÔT SUR L’HONNÊTETÉ

Depuis des temps anciens, qu’il s’agisse de l’exécution des cautionnements familiaux, du taux de « démarque inconnue », de la part d’économie souterraine, la Bretagne s’est toujours distinguée par des scores de 50% plus vertueux que la moyenne nationale. Le récent rapport de la cours des comptes le confirme.
Ceci se traduisait par des revenus statistiquement inférieurs en Bretagne.
L’augmentation de la fiscalité conduit à ce que d’un moindre revenu les entreprises de Bretagne soit conduites à vivre en perte ou à devoir renoncer à leurs valeurs.

La rupture des valeurs conduit à de la désespérance et à l’augmentation de la violence contre soit même d’abord puis contre les symboles dès que le pourcentage des désespérés dépasse 15 % des gens d’un territoire.

2 ) LE CONSTAT

DES FERMETURES :

Les usines ferment sans être rachetées : Entremont, Doux, Gad et bien d’autres.
Les usines les plus modernes ferment parfois les premières, simplement parce que leurs propriétaires ont les moyens de payer les coûts de fermeture… des usines obsolètes demeurent en activité, emportant des risques sanitaires.
Les poulaillers ferment ou ont fermé par milliers, c’est maintenant le tour desporcheries et pour les étables le mouvement va s’accélèrant. Pour ces dernières la rapidité des fermetures est exponentielle parce que le maïs ensilage est mis en grains… Le travail est divisé par 10 et les profits sont multipliés par 10. Là également ce sont souvent les étables les plus belles qui ferment les premières par les plus lucides pour ne pas obérer un patrimoine foncier ancestral.
Il apparaît nettement que la situation est hors contrôle.

ÉCOLOGIE et RAISON :

Des efforts fantastiques ont été mis en œuvre pour que la Bretagne redevienne une terre respectueuse de son sol. C’est désormais le cas surtout si l’on veut bien prendre en compte le rythme des fermetures. La Bretagne fait désormais mieux que nombre de régions françaises, en nitrates par exemple, les chiffres en attestent. Les Bretons le savent mais le discours entretenu demeure culpabilisant au point que des enfants d’éleveurs continuent de cacher à leurs camarades le métier de leurs parents (voir manuels des classes de 3eme, éditions Hatier).
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Ces discours culpabilisants s’opposent aux réalités :
– nos talents sont fantastiques et le monde entier le reconnait : la parcimonie est une des résultantes de la performance.
– les pays émergents préfèrent acheter de la viande plutôt que des grains puisque nos éleveurs sont 2 fois plus performants que les leurs et travaillent gratuitement : « c’est comme si les cours du grain montaient deux fois moins vite » dit le Chinois.

Un sentiment diffus porte à croire que seule la disparition totale de l’élevage donnerait satisfaction.
Il sera alors tard pour considérer la tranquillité du Territoire et la beauté des paysages.

SOCIOLOGIE et SOCIÉTÉ :

« Je n’ai plus des fonctionnaires, j’ai des militants, ils n’agissent plus selon les textes mais selon leurs convictions ».
Le futur est interdit à ceux qui osent déposer des permis d’entreprendre.
Les représentations professionnelles qu’elles soient ouvrières ou professionnelles sont débordées par la base. Les exactions de toutes sortes vont se multipliant.
La jonction des misères du monde ouvrier et de celui de l’élevage peut être détonante.
Les 2 milliards d’€ distribués aux céréaliers alors que le prix des céréales a doublé est plus qu’une erreur, c’est une faute. Chacun sait qu’une telle décision n’a pu intervenir hors complicités des représentations professionnelles nationales. « Allouer de l’argent aux riches fait tourner la machine et rentrer des impôts ».
Lorsque les représentants ne ‘représentent’ plus, les violences deviennent individuelles contre soi où contre des représentants symboliques, tel qu’en Corse.
Chacun a le sentiment d’un immense gâchis de talents et de dispositions naturelles de premier rang, les ruptures sont toute proches.
Les acteurs les plus performants ne veulent plus de dispositions qui les amène à payer pour ceux qui meurent ; que ces contributions interviennent par les banques, leurs groupements, coopératives ou fournisseurs. Ils entrent en autarcie sociale et de solidarité. Le prochain pas sera contre les Conseils de l’Ordre.
Il résulte de tout ceci que des personnalités du monde économique et du monde associatif ont compris que :
– nombre de dirigeants nationaux sont ‘dépassés’, sans vision pour le pays.
– nous sommes entrés dans une période qui détruit les fondamentaux.
– le futur sera violent si les choses ne sont pas prises en main en Bretagne (et peut être ailleurs), par des gens porteurs d’expérience et de confiance.
Il résulte de tout ceci que de plus en plus d’observateurs considèrent que tout séparent les intérêts de la Bretagne de ceux de la France dirigeante, sinon de la France.

LE PRÉSENT ET SA SUITE :

La rupture entre les élites et la population est consommée, qu’il s’agisse des élites politiques, administratives ou corporatives. Les organes intermédiaires tels que Chambres consulaires, tribunaux sont considérés parties prenantes étatiques.
Il convient que tous ceux qui, en raison de leurs fonctions, sont ou apparaissent porteurs des pratiques du passé, qu’ils soient du monde politique, administratif, professionnel… qu’ils en soient porteurs en raison de leurs parcours ou de leur héritage, tous ces gens doivent se tenir à l’écart de la construction du futur, le saut à effectuer, les 30% cités plus avant, est tel que ces gens ne sauraient le faire.
Il conviendrait qu’ils poursuivent leur présence sur ce qui va se réformer, qui se reformera dans la pauvreté ou disparaitra dans la violence, afin que sur ce chemin périlleux, ils assument leur passé et s’appliquent à ‘lisser les pentes’.
Il convient que là où existent des personnalités conscientes, confiantes, ayant capacité à redonner du sens, à tracer une route, des cercles de travail se constituent pour remettre des petits morceaux de Territoire en mouvement.
Ces cercles devraient travailler selon les critères de responsabilité et de Valeurs, aux antipodes de Pouvoir et argent.

Prétendre agir, hors d’un constat partagé, hors d’un futur voulu selon des Valeurs assumées serait se donner l’illusion de l’efficacité d’un pansement sur des plaies infectées. Viendra le jour où l’échec de la chirurgie nécessitera l’amputation.

LE FUTUR : parlons du champ des batailles :

Personne n’a de réponse en 15 jours pour corriger 30 ans de renoncements. Comme dit ci-dessus, les tenants du système qui s’éteint peuvent et vont devoir mettre quelques pansements provisoires, à l’horizon de leurs mandats.
Des stratèges crédibles expriment la probabilité d’un agenda dont le point de départ (année N) serait la fin de la période dite ‘punitive’ à l’encontre des entrepreneurs, il faudra alors plus ou moins 5 ans pour que les entrepreneurs osent à nouveau, en France et encore 5 années de plus pour que de l’argent privé s’investisse, au bénéfice de la France. Chacun peut raisonnablement ajouter 10 ans à son âge.
Il est certain que toute disposition prise, pour autant qu’elle soit pertinente, ne sera économiquement efficace qu’à partir du moment où elle aura restauré la confiance et mis les acteurs en situation de compétitivité comparable à celle de leurs concurrents des pays voisins.
La France devra rompre avec sa préférence pour les dispositions uniques, dites égalitaires, tant en regard des territoires que pour les activités.
Une remontée massive et uniforme de la compétitivité s’avérera impossible pour atteindre l’objectif de 30%.
Quand bien même une telle disposition serait décidée, et que par miracle elle soit assumée, le temps d’acquisition des bons réflexes ne pourra lui, être comprimé.
Le plan stratégique de chacune des Régions de France devra, outre la prise en compte de ses atouts, de ses talents et de ses envies, considérer les évolutions du monde, la stratégie des autres pays d’Europe, imaginer les risques de télescopage, ceci notamment avec l’Allemagne qui fait l’hypothèse d’une rupture en Europe.
Au plan global le combat économique est devenu trop stratégique, trop rude pour qu’il puisse être conduit avec succès par des personnes qui n’ont pas une expertise affirmée sur le sujet et dont l’horizon est inférieur à N + 10 ans.
Il faut désormais choisir entre modifier le système France ou continuer de faire souffrir les hommes et les valeurs. Pouvons-nous croire que ceux qui vivent des problèmes pourraient s’impliquer pour les résoudre.

Il est évident que les pays qui ont mis en place une Gouvernante Économique sont en meilleure situation. Ainsi que le disent nos partenaires européens, leur ambition « n’est pas nécessairement de concourir contre la Chine ou le Brésil, devancer la France suffit pour faire la différence en Europe. » Une France qui désormais importe la part de récession qu’aurait dû connaître ces pays.

LE FUTUR : parlons du monde rural, en Bretagne.

Refonder un futur pour le monde agricole en Bretagne passera par une recomposition des activités du territoire, tel qu’ont pu le faire les Allemands et d’autres. Cette recomposition devra inclure des activités qui répondent à la satisfaction des besoins primaires de la population, activités qui managées autrement qu’aujourd’hui, seront plus accessibles, plus économiques et plus écologiques si elles sont organisées dans la subsidiarité au bénéfice de la population. Ceci devrait intervenir avant que les Champions qui les gèrent aujourd’hui ne voient leur capital passer majoritairement sous contrôle étranger.
Tous les aspects de la vie devront être pris en considération, telle par exemple la formation des jeunes agriculteurs aux données relatives à la vie économique. Il conviendra de leur parler aussi d’emplois, de balance commerciale…
Aujourd’hui des stratégies gagnantes peuvent être conduites dans les productions de viandes, de lait et autres. Seulement, elles ne peuvent être gagnantes si elles sont conduitesdans les structures actuelles. Les afficher dans les circonstances présentes serait les exposer à une insertion dans des schémas anciens qui les ferait mourir avant que de naître. Parce que des milliers d’emplois sont en jeu nous ne pouvons révéler nos axes stratégiques avant que la liberté d’agir n’ait été confiée à des acteurs de territoires porteurs de confiance, d’expérience et de probité comme indiqué plus avant.
Certains nous disent y voir une attitude de résistance passive, nous l’assumons. Nous ne pouvons croire que des gens qui refusent de prendre en compte ce qui est certain, tel la fin des quotas des laitiers, se mettent à prendre en compte le probable. Des projets révélés trop tôt seraient neutralisés par l’habituel traitement médiatique.
A défaut de parvenir à un consensus sur le constat et les modalités d’actions, alors mieux vaut laisser aller, laisser faire l’autoritarisme sur un temps qui sera bref, alors la liberté d’action viendra avec de réelles chances sur des valeurs conservées.

Les compromissions entraîneraient la perte des Valeurs et de l’espérance, la Bretagne mérite un meilleur destin.

CONCLUSION : la Bretagne saura mobiliser les forces et compétences nécessaires. Il ne conviendrait pas qu’elle le fasse pour prolonger de quelques semaines un futur imposé par ailleurs et qui nous apparaît sans espérance.

Alain Glon dans Breizhlog

 

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