Cet article des Echos reprend notre point de vue sur le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes.

Le devoir de réserve est particulièrement bien respecté dans notre beau pays. C’est une des choses qui y rendent la vie douce et agréable. Mais c’est aussi pour cela que politiques et administration peuvent impunément faire passer un peu n’importe quoi. Parfois cela produit de grandes choses : Concorde était une aventure, mais quel bel oiseau et quel prestige pour les partenaires franco-britanniques ! L’aéroport de CDG dote Paris d’une capacité de trafic aérien unique en Europe.

J’ai eu la chance de participer à ces deux réalisations, mais je n’ai pas pu résister à sortir de la réserve d’usage s’agissant de ce projet absurde et ridicule de Notre-Dame-des-Landes. Une idée dépassée de hub provincial. Un aéroport grand comme Heathrow à Londres, le premier d’Europe, qui traite 70 millions de passagers sur 1.300 hectares. Cela dans l’espoir de traiter, peut-être, 7 millions de passagers vers 2030, alors que Nantes dispose d’un excellent aéroport, sacré en 2012 meilleur aéroport régional d’Europe.

Une commission du dialogue a été instaurée et a rendu, en avril 2013, un rapport très raisonnable demandant que l’on étudie la possibilité de développer l’aéroport existant. L’administration s’est acharnée à démontrer que cela coûterait plus cher que de construire l’aéroport neuf. On peut toujours trouver les hypothèses qui vont bien. Par exemple, on ne tient pas compte du fait que les avions sont de plus en plus silencieux. On sous-estime aussi l’augmentation de capacité des avions, alors qu’il y a un net décalage entre croissance du nombre de passagers et stagnation du nombre de décollages. Or seul ce paramètre joue sur la saturation de la piste. On veut ignorer que bien des aéroports vivent avec une seule piste et en tirent quatre à cinq fois le trafic espéré à Nantes dans vingt ans : San Diego, Gatwick, Lisbonne, Genève. On prétend que le bruit augmentera à Nantes, mais on ne fait surtout rien pour diminuer la (faible) gêne actuelle, alors même que tous les constats objectifs faits à Londres, Paris ou ailleurs pointent la diminution du bruit d’une année à l’autre. On veut construire une aérogare de standing, là où Marseille et Bordeaux ont construit des extensions parfaitement adaptées aux low cost, pour une bouchée de pain. En France, Vatry, Metz-Nancy ont été des échecs patents. Un aéroport voulu par les politiques alors qu’il n’y a pas de marché, qui va remplacer 1.300 hectares de zones humides par du ciment sans aucun besoin, est une absurdité. Ainsi Lyon, avec sa belle plate-forme et ses deux pistes magnifiques, végète, à 100 kilomètres de Genève, qui prospère avec sa piste unique et tous les obstacles alentour.

L’étude de l’administration a duré six mois. Les opposants ont eu quinze jours pour réagir. Une réunion à la préfecture de Loire-Atlantique a bien eu lieu. Les études hâtives des opposants ont été qualifiées – très aimablement -, par l’administration, d’honnêtes et constructives. Sur quoi le préfet a indiqué que le temps du dialogue était terminé et, dans la foulée, a sorti précipitamment une série de décrets permettant d’envisager le début des travaux. Pas vraiment dans l’esprit d’une commission du dialogue, dont le ministre s’était engagé à respecter les conclusions.

Bien entendu, à Nantes et en Bretagne, il y a des défenseurs du projet. Mais très peu d’arguments sérieux. Il y a l’immobilier qui revient constamment ! Mais Nantes n’est ni Monaco ni Gibraltar : il y a toute la place. Il y a le chauvinisme local : pourquoi le Grand Ouest n’aurait-il pas son aéroport ? Il y a ce que les Américains appellent le « Not in my backyard » : allez faire du bruit ailleurs. C’est vrai qu’il y a forcément des nuisances, mêmes si elles s’atténuent. Il n’y a pas de désert en France et le bocage, autour de Notre-Dame-des-Landes, se peuplera comme chaque fois qu’il y a un nouvel aéroport. Devoir de réserve ou pas, nos politiques pourraient avoir l’élégance de privilégier le bon sens à l’entêtement.

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