Le magistrat Yvon Ollivier, auteur de l’ouvrage « La désunion française », a tenu en haleine pendant deux bonnes heures une cinquantaine de personnes présentes pour une conférence sur l’indépendance de la Bretagne. L’auditoire était composé de personnes de toutes origines : membres du Parti Breton, organisateur de la conférence, sympathisants, simples citoyens, plus jeunes ou plus âgés. On pouvait même rencontrer une Russe et un Américain, étudiants à Rennes.

La présentation a été on ne peut plus riche. Yvon Ollivier a logiquement commencé par expliquer que la situation de la Bretagne dans l’Etat français était inacceptable : l’identité de la Bretagne, son territoire, sa langue, son histoire, sont complètement niés d’après la mythologie jacobine en vigueur depuis la Révolution française. Sur le domaine économique, rien n’est à attendre de la France, qui n’a pas grand chose à faire de la péninsule armoricaine située à l’extrême ouest du territoire qu’elle revendique.

Suivant l’actualité, il a bien sûr été question de l’acte 3 de la décentralisation en gestation. Pour le magistrat, il n’y a aucun doute sur la manière d’interpréter les signaux donnés par le gouvernement français à ce sujet : c’est une véritable catastrophe qui se prépare. Non seulement les revendications légitimes minimales portées par les Bretons ne sont pas prises en compte, mais on assiste encore à une complexification du territoire et à un recul par rapport à l’acquis. Complexification, avec la création d’une strate supplémentaire, les métropoles, sans la suppression d’un échelon tel que les départements. Recul, car tout indique que les métropoles marqueront le pas sur les régions, créant ainsi une concurrence entre territoires urbains sans aucun contrepoids territorial plus vaste pour équilibrer la situation entre ville et campagne (ce qu’aurait pu faire une Bretagne forte par exemple).

 

Pour le magistrat, il est indispensable que les droits de la Bretagne soient reconnues, a minima par un statut spécial dans la Constitution, comme c’est le cas pour d’autres territoires. Mais le peuple breton a affaire à forte partie : le système juridique français est redoutablement construit pour éviter toute réforme, et s’apparente même à un régime totalitaire, dans la mesure où l’unité de la nation française, prise comme postulat, est supérieure à toute autre règle, et y compris aux droits de l’homme.

Droits de l’homme qui a aussi été abondamment évoqués. Par exemple pour indiquer qu’il n’existe aujourd’hui plus aucune égalité des chances en France, plus aucun espoir d’ascension sociale comme cela ne pouvait être le cas précédemment. Les richesses, les compétences et le pouvoir sont concentrés par 6 millions de personnes, en grande partie issues de la bourgeoisie parisienne, qui font tout pour maintenir ce système. Par conséquent, les inégalités se creusent, ce qui met en péril la société dans son ensemble.

Le malaise est aujourd’hui perceptible très nettement. Il est certain que les principes directeurs de l’Etat français sont restés inchangés depuis deux siècles : la grandeur et la peur. Grandeur issue d’une volonté « universelle » de propager la culture française à travers le monde, de maintenir le « rang » français, fût-ce purement anecdotique ou même contre-productif, comme la guerre au Mali. Peur : de l’autre, de la différence, à tel point qu’on a toujours cherché à le rendre identique, à l’assimiler. Ces deux grands principes sont couplés à une forte centralisation et à une hypertrophie du secteur public qui paralyse l’initiative. Efficace un temps, ce système est au bord de la rupture pour Yvon Ollivier : on achète aujourd’hui la paix sociale à crédit, et la majorité des jeunes souhaitent devenir fonctionnaires, ce qui est en contradiction avec la mondialisation, qui exige initiative et réactivité.

Dans ce contexte, l’auteur considère que l’autonomie serait sans doute la meilleure solution, car elle correspondrait au sentiment de la majorité des Bretons, qui se sentent également citoyens français. Toutefois, l’indépendance serait un moindre mal par rapport à la situation désastreuse actuelle.

Ces deux solutions sont néanmoins difficiles à envisager dans l’immédiat, tant la voix politique de la Bretagne est faible. Pour Yvon Ollivier, les Bretons ont leur part de responsabilité dans cet état de fait, car ils se sont révélés incapables de défendre leurs intérêts. Mais il mentionne également longuement les élus bretons, jusqu’au plus haut niveau, qui sont complètement dépendants du système auquel ils doivent leur place. Ils ont malheureusement préféré leur carrière à l’avenir de la Bretagne, perdant ainsi des opportunités essentielles pour lancer la réunification ou la reconnaissance des droits de la nation bretonne par la France.

Certains de ces points ont pu être précisés au fil des questions suivant la présentation magistrale faite par Yvon Ollivier. La mention de l’autonomie plutôt que de l’indépendance a pu étonner certains auditeurs, dans la mesure où il apparaît que la France n’est pas réformable. Pour Yvon Ollivier, il s’agit d’un point de vue idéal, et il semble logique d’accéder d’abord à l’autonomie avant l’indépendance. Mais l’une ou l’autre solution est de toute façon préférable à l’état actuel.

Le rôle de l’Europe a aussi été évoqué. Le magistrat Ollivier connaît bien la question, et sa réponse a été claire : rien à espérer de ce côté. L’Europe a les pieds et poings liés par les Etats qui les ont créés. C’est aux loups de garder la bergerie. Conclusion : c’est des Bretons eux-mêmes que doit venir le salut.

Enfin, un échange savoureux a eu lieu sur la question de « Paris » et des Bretons de Paris. Un des membres de cette communauté a affirmé le rôle important des Bretons émigrés dans la création de valeur, qui finit par retourner au pays. « A quel moment ? » demande Yvon Ollivier. « Quand les Bretons de Paris viennent passer leur retraite en Bretagne ». « Et qu’avons-nous gagné politiquement, à part cela, des Bretons de Paris ? » Silence. Sans commentaire…

Média 7seizh

 

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