L’agriculture des pays développés européens, Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Espagne ne rencontre pas les mêmes problèmes que la nôtre. Précisément dans les secteurs en crise en Bretagne, lait, porc ou volaille, leur production se développe au contraire fortement depuis vingt ans. Qu’est-ce qui handicape l’agriculture française ?

La Politique Agricole Commune (PAC) s’applique à tous les pays européens, mais la France y ajoute plusieurs niveaux de règlementation spécifiques, une sorte d’exception agricole sous prétexte que l’agriculture n’est pas une activité comme les autres.

 

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Au premier niveau se situent les contraintes. Bruxelles édicte de nombreuses règles, mais les ministres français sont toujours volontaires pour en rajouter, dans une sorte de concours de beauté à qui sera le plus zélé. On l’a vu dans le domaine de l’énergie où la France proposait de s’engager à avoir 30% d’énergies renouvelables 2020 et non pas 20% comme les autres pays européens le souhaitaient [1]. C’est la même chose en agriculture où les normes concernant les engrais, les produits phyto-sanitaires, terres en friche, rotation des cultures, taille des élevages de poulets et de porcs sont plus contraignantes que dans les autres pays. À ces contraintes spécifiques s’ajoutent naturellement celles, générales, concernant la fiscalité et le droit social en France.

Le second niveau se situe à celui de l’organisation de la profession. L’administration publique et les syndicats ont mis en place une gestion corporatiste de l’agriculture, censée la guider, mais qui a conduit des secteurs entiers dans une impasse. Ces structures définissent la « bonne » taille des exploitations (droit d’installation), ce que les agriculteurs doivent produire (droit de produire) et quels agriculteurs sont autorisés à acheter des terres (SAFER). Le ministère de l’agriculture et ses services dans les préfectures (15.000 salariés hors enseignement agricole), chambres d’agriculture (8.000 salariés), SAFER (1.900 salariés) et syndicats agricoles ont tissé une véritable toile qui étouffe les agriculteurs, et notamment les plus dynamiques. Le souhait des syndicats de conserver un nombre maximum d’adhérents est compréhensible. Joint à celui des politiques de conserver une clientèle captive, cela conduit à installer et à maintenir de nombreux agriculteurs dont l’exploitation n’est pas viable, ou dont les revenus permettent seulement aux agricultures de survivre en travaillant 60 heures par semaine. C’est le cas notamment en Bretagne où de nombreuses fermes sont juste trop petites en nombre d’hectares ou en nombre d’animaux pour le XXIème siècle, quand elles ne sont spécialisées que dans des produits standards [2]. L’utilisation des agriculteurs par les gouvernements pour tenter de dissimuler l’augmentation des chiffres du chômage en les maintenant en place dans une forme particulière d’emplois aidés, conduit seulement les intéressés au désespoir.

Une évolution inéluctable

La suppression par Bruxelles des subventions (les « restitutions ») à l’exportation de poulets a mis une partie de la filière avicole bretonne en difficulté. En 2012, Doux avait reçu 55 millions d’euros et Tilly-Sabco, 19 millions. Un système en place depuis une cinquantaine d’années. Mais qui pouvait croire qu’un système qui revient à importer du Brésil du soja ou du maïs pour nourrir des poulets en France, puis à exporter ces volailles congelées au Moyen-Orient principalement pour nourrir les travailleurs immigrés très peu payés (Pakistanais, Philippins), durerait indéfiniment ?

Les pays pétroliers raffinent de plus en plus leur pétrole sur place et exportent leur essence dans le monde ; le Brésil et d’autres pays élèvent de plus en plus les volailles sur place et exportent directement les poulets congelés au Moyen-Orient. Logique, non ? Écologique même, quand on promeut les circuits courts.

Les responsables politiques et syndicaux qui ont promis aux agriculteurs que cela ne changerait jamais, sont de bien mauvais bergers.

Les dizaines de millions qui vont être distribués en Bretagne sont sans doute justifiés pour atténuer les effets des erreurs passées, mais ne règleront pas le problème de fond de l’agriculture de cette région. D’autres pays européens appliquent des solutions de liberté et de responsabilité, ce sont elles qu’il faut mettre en œuvre d’urgence en France.

Article de l’IFRAP

 


[1] Alors que la France produit beaucoup moins de CO2 par personne que la plupart des autres pays, presque deux fois moins que l’Allemagne

[2] Les responsables semblent atteints par la nostalgie des exploitations agricoles de leur enfance, mais qui ne peuvent répondre à tous les besoins de notre époque

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