Le SPACE, l’un des premiers salons agricoles d’Europe, vitrine de l’agriculture bretonne, vient de fermer ses portes sur un constat de crises multiples. Au même moment, à Sainte Anne La Palud, deux rencontres improbables, l’une, écologiste réclamant de vraies mesures, bien justifiées, d’éradication des algues vertes, l’autre, composée d’agriculteurs prônant l’union bretonne nécessaire, autour d’une volonté d’un « vivre ici » tous ensemble.
La vision de ces deux mondes que la ruralité et l’urbanisme séparent de plus en plus, donne une image d’incompréhension et de division assez catastrophique…peut-être pas pour tout le monde !
Impact social: Le « miracle agricole Breton » des années 1990 devient cauchemardesque tant au niveau environnemental, qu’économique, qu’humain…40% des élevages sont dans le rouge et on ne comptabilise même plus les multiples suicides ! La société bretonne est dans une situation de fracture sociale au moment même où se profile un risque imminent d’effondrement de son activité économique. Notre monde agricole et ses activités associées représentent pourtant 30% de nos emplois et 40% de notre PIB. Depuis trois décennies, la population agricole bretonne a été divisée par trois et ce rythme s’accélère. Nous avons les compétences techniques mais nous sommes de plus en plus en perte de compétitivité face à nos concurrents qui ont restructuré et diversifié leurs activités avec les bioénergies notamment. Cet état de crise permanente devrait encore s’amplifier avec la modification de la PAC en 2013 qui exposera nos producteurs aux aléas des cours mondiaux; nous devons donc nous attendre à une forte augmentation des faillites agricoles et du chômage; la Bretagne va rentrer dans une crise sociale profonde et il faut espérer qu’elle ne nous soit pas fatale!
Des structures conservatrices: Il faut comprendre que nous vivons depuis longtemps sous le contrôle d’ une république parisienne qui orchestre sa politique agricole avec le soutien efficace et obéissant de ses relais locaux : Crédit Agricole, Chambre d’agriculture, syndicat majoritaire, établissements d’enseignement, firmes…Le conformisme a gagné l’agriculture bretonne qui de frondeuse est devenue servile et légitimiste. Nous constatons même depuis quelques temps un durcissement de ces positions hégémoniques et conservatrices au point de se demander si l’Etat français n’organise pas efficacement la disparition de notre agriculture familiale au profit d’une agriculture industrielle et libérale de type américain (la nouvelle Loi de modernisation agricole va dans ce sens). La collusion de nos organisations professionnelles est troublante et visiblement intéressée ! Elle est avant tout coupable et l’aveuglement de ses dirigeants irresponsable ! Il faut être conscient que la France peut se passer de l’agriculture bretonne et qu’elle n’hésitera pas à le faire.
Des intérêts économiques exogènes: Cette gestion opaque et cette évolution inquiétante sont pourtant aux antipodes des intérêts de la majorité de nos agriculteurs qui souffrent tous les jours du mépris et de la précarité de leur revenu. Nous sommes gérés par une économie de type coloniale qui consolide les revenus de la grande distribution et de l’Etat (TVA et impôts). Ce même Etat soigne parallèlement l’intérêt des firmes fussent-elles multinationales ainsi que des céréaliers (amis du Fouquet’s) qui se voient en plus gratifiés de primes PAC alors même que les prix des céréales sont au plus haut !
Un environnement sacrifié sur l’autel de la productivité: L’agriculture durable ou biologique n’est dans ce pays qu’une gentille chimère. Notre environnement est lui aussi gravement impacté avec cette conception productiviste. Les algues vertes dégradent l’image internationale de la Bretagne en faisant même la Une du New-York Time, mais là aussi, force est de constater qu’il n’y a aucune volonté politique pour régler ce problème ! La Bretagne est perdante à tous les étages ! Quand nous nous réveillerons, il sera trop tard ! Les jeunes désertent déjà le métier, le monde rural se délite et la Bretagne après quelques soins palliatifs, sera vidée de sa substance ! Cette violence nous est insupportable !
Au Parti Breton, nous n’opposons pas agriculteurs et écologistes humanistes; le combat à mener doit prioritairement cibler la cause de nos problèmes. Les algues vertes divisent alors qu’elles devraient rassembler la société bretonne en responsabilisant agriculteurs et consommateurs autour d’un objectif commun : combattre la politique française qui organise la disparition de notre économie et de nos emplois. Ce combat est celui de tous les bretons qui avec nous souhaitent plus de justice et de démocratie. Pays à taille humaine, la Bretagne doit s’imaginer un avenir et le mettre en œuvre. La prise de conscience est réelle et l’envie d’agir aussi, et comme André Glon, nous affirmons sans ambigüité : « Notre problème, c’est la France!«
Un plan d’urgence: Face à cette situation, la Bretagne a besoin d’unité. A son époque, le CELIB avait fédéré les décideurs d’horizons politiques différents, pour relever l’économie bretonne. Le Parti Breton souhaite que des mesures rapides soient prises pour sortir de cette situation. Nous voulons pour la Bretagne, une agriculture productive et créatrice d’emplois, respectueuse des producteurs, des consommateurs et de l’environnement.
Nous demandons que le Conseil Régional s’accapare rapidement de la compétence agricole et nomme auprès de Bruxelles un représentant permanent pour y défendre les intérêts de la Bretagne (nous n’avons pas un seul député européen !)
Nous demandons que les aides PAC (1er et 2ème volet) soient, comme cela se fait dans toutes les autres régions européennes, gérées par notre assemblée régionale. Nous demandons une gestion paritaire et une représentativité équitable des agriculteurs dans les instances professionnelles afin de responsabiliser l’ensemble des filières.
Nous demandons le transfert rapide de la compétence sur l’enseignement agricole et sur la gestion de l’eau afin de résoudre rapidement la problématique des algues vertes.
Nous demandons au Conseil Régional d’œuvrer rapidement pour améliorer la compétitivité de nos agriculteurs (aides à la conversion vers une agriculture plus durable, mise en place rapide de stations de méthanisation, aide à la limitation du travail du sol, incitation des systèmes herbagés, limitation des intrants exogènes, production de protéines végétales…)
Nous demandons une aide sociale pour les agriculteurs en difficulté, une valorisation des productions et des revenus par la relance des exportations et de la recherche.
Nous demandons également une revalorisation sociale et salariale des métiers liés à l’agro-alimentaire. La Bretagne a des compétences et des atouts, ne comptons pas sur les autres pour les défendre à notre place; pour que la Bretagne vive, soyons unis, solidaires et déterminés, l’heure n’est plus à la division!
Hervé Le Quéré
Chargé des affaires agricoles
Secrétaire fédéral 56 du Parti Breton