La réaction virulente des Bretons à la situation difficile qu’ils rencontrent aujourd’hui ne saurait surprendre. Certains aimeraient y voir l’expression épidermique d’une bande de réacs ancrés à leur roche granitique et à jamais perdus pour la modernité. D’autres encore n’y voient qu’une manifestation éruptive de ce lancinant besoin d’Etat qui traverse toute la société française et que les largesses de celui-ci finiront bien par éteindre. Et si cette violence était l’expression d’un malaise plus profond, lié à un changement d’univers mental que j’ai nommé « désunion française » dans un essai récent ? Dans les esprits s’effondre le mythe de l’Etat protecteur et omnipotent, certain de relever tous les défis et confiant dans la capacité de la société française à assimiler toute la diversité humaine.

Ceux qui exigent le secours de l’Etat sentent confusément qu’il ne pourra plus rien faire pour eux, car il est lui-même confronté à son inadaptation structurelle à la mondialisation que le déficit de ses comptes publics lui rappelle sans relâche. Il n’a plus les moyens de répondre à toutes les suppliques, d’endormir toutes les blessures, ce qui génère un sentiment d’abandon peut-être même de désespoir. Et ce n’est pas l’Union européenne qui nous sortira d’affaire. Loin de susciter l’espoir, elle est devenue l’objet de toutes les rancœurs.

Lorsque le mythe de l’Etat protecteur et égalitaire s’effondre au contact de la réalité, la société découvre ses fissures. On ne comprend plus le système reposant sur la domination outrancière de Paris en matière culturelle, économique et même au plan social tant l’inégalité des chances est patente. On ne voit plus dans les élites qui nous gouvernent qu’une coterie largement recrutée en région parisienne et toujours solidaire lorsqu’il s’agit de bénéficier des avantages du système. On ne comprend plus les décisions en provenance d’une centralité qui ignore à peu près tout des réalités locales. Comment pourrait-on se retrouver dans ce pouvoir qui ne nous connaît pas et ne veut rien savoir de nos exigences les plus fortes comme la sauvegarde de nos langues ou le respect de notre identité? Malgré tous les beaux discours légitimant, les Bretons rejettent l’inégalité des cultures et des territoires inhérente au système jacobin. Et au nom de quoi pourrait-on leur en faire le reproche ?

Au-delà de la conjoncture économique et des distorsions de concurrence, la vague de licenciements trouve son explication profonde dans un modèle politique et institutionnel inadapté. Les territoires qui gagnent dans la mondialisation disposent d’un pouvoir politique doté de moyens et de compétences juridiques et fiscales permettant la meilleure insertion dans une économie globalisée. Tout ce dont nous sommes privés en Bretagne où l’Etat n’a plus d’autre ambition que le maintien de l’ordre public. La région Bretagne, institution dérisoire dans ses moyens d’action, ne peut penser et adapter utilement son modèle de développement aux grandes mutations économiques, ni valoriser ses nombreux atouts. La source de nos maux tient dans l’absence d’autonomie et les Bretons qui se lèvent aujourd’hui ne demandent pas l’aumône mais un travail au pays et les leviers du développement pour pouvoir le conserver.
Loin de répondre à ce besoin d’émancipation maintes fois exprimé, l’Etat se montre incapable de se réformer comme en témoigne l’acte 3 de la décentralisation qui signe la mort de la régionalisation et créée une complexité supplémentaire avec la métropolisation riche de nouvelles fractures. Exit la réunification de la Bretagne qui n’a jamais été aussi loin tant est verrouillée la procédure de modification des limites territoriales. L’Etat n’entend pas les messages qui viennent du bas. Mais n’en est-il pas de même de nos grands élus locaux ? La crise actuelle illustre aussi une faillite du personnel politique breton qui a moins su faire évoluer le système jacobin que s’y complaire. Car enfin, il ne sert de vitupérer contre les ridicules moyens d’intervention dévolus à la région si l’on n’est pas capable d’exiger la loi différenciée qui, dans le cadre d’un statut particulier, nous permettra de développer notre territoire et de sauvegarder notre culture. Et à qui revient-il de montrer la voie si ce n’est à nos élus qui n’ont souvent rien compris à la révolte des bonnets rouges et se sont efforcé d’en suivre le cours ou de la contenir ? Je forme le vœu que la crise actuelle ait au moins le mérite de faire comprendre à tous qu’un territoire qui ne se prend pas en main est un territoire mort ou en voie de le devenir. L’autonomie est la situation normale pour les peuples comme pour les hommes. La tutelle ne l’est pas sauf à consentir à des formes de spoliation toujours plus brutales. L’autonomie d’une Bretagne réunifiée dans le cadre d’une citoyenneté française revivifiée est notre salut au sein d’une économie mondialisée où les peuples doivent être libres d’agir pour libérer la croissance et assurer le bien être de tous. C’est aussi le sens du message délivré par la nuée de drapeaux bretons qui flottaient à Quimper ce 2 novembre 2013. D’urgence, posons les questions du statut de la Bretagne et de la gouvernance! Il en va de l’unité française.

Yvon Ollivier

CategoryActualités

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