Voici, en 12 points, les éléments nécessaires pour comprendre l’écotaxe et ses conséquences.
1 – L’écotaxe est annoncée pour favoriser le ferroutage et le transport fluvial (mais pas le transport maritime). Aucune infrastructure rail-route n’a été mise en place par les services publics en Bretagne. La seule compagnie ferroviaire à avoir mis en place le ferroutage en Bretagne est Combiwest, par sa plateforme de Morlaix. L’installation de Combiwest a été combattue par la SNCF, afin de conserver son monopole et non pas d’apporter un meilleur service au public. Les procédés employés par la SNCF n’ont guère été loyaux : décrochage de wagons en gare de Rennes ; achat de sillons de blocage, procès à RFF.
2 – La gestion du télépéage a été confiée à Ecomouv, une entreprise détenue à 70% par une entreprise italienne, Autostrade per l’italia. Sur 1,2 milliards d’euros qui devraient être prélevés, 780 millions (65%) reviendra à l’Etat. Ecomouv conservera 230 millions (hors TVA) pour la maintenance de ses infrastructures. La part de l’Etat sera affectée à un établissement public, l’Agence de Financement des Infrastructures de Transport de France. L’agence est présidée par Philippe Duron, député-maire de Caen, qui vient de proposer par ailleurs au gouvernement (rapport Duron) le report entre 2030 et 2050 de la prolongation de la ligne à grande vitesse vers Brest et Quimper. Contrairement au Grand Paris, l’infrastructure des voies de communication en Bretagne ne fait pas partie des priorités françaises.
3 – L’écotaxe prélevée sur les voies secondaires (160 millions d’euros prévus par an) devrait revenir aux collectivités chargées de les entretenir. Dans ce cas-là, la finalité affichée par l’écotaxe n’a rien d’écologique : c’est un télépéage pur et simple. En leur donnant de l’argent prélevé sur leurs propres concitoyens, ce qui ne lui coûte pas cher, l’Etat achète la complicité des collectivités territoriales au détriment de leurs administrés.
4 – Les collectivités territoriales n’ont aucun moyen de mettre en place, sur le territoire où l’écotaxe est prélevée, une alternative au transport routier. Tout se décide au niveau central. Contrairement au transport fluvial, qui concerne le Grand Paris, le transport maritime, qui concerne la Bretagne, n’est pas considéré comme une alternative.
5 – En plus du péage, les coûts supplémentaires liés à l’écotaxe se cumulent : Paiement d’une caution pour le prêt d’un boitier, installation de boitiers dans tous les véhicules, immobilisation du camion si le boitier ne fonctionne pas, coût kilométrique, amendes, sanctions pénales ou administratives. Le coût cumulé des nouveaux péages avoisine, dans certains cas, la marge de l’entreprise. L’écotaxe produira du chômage.
6 – En cas de panne, perte ou vol d’un équipement embarqué, la procédure est tellement onéreuse, longue et compliquée que le moindre incident sera catastrophique pour les transports d’animaux vivants et de produits frais, vitaux pour la Bretagne. L’écotaxe produira du gaspillage.
7 – Tous les transporteurs revoient actuellement leurs tournées en utilisant des logiciels d’optimisation. Jusqu’à présent, c’était la distance qu’ils cherchaient à réduire. Désormais, ce n’est plus la distance mais le coût. La conséquence sera une augmentation des distances pour éviter les portiques. L’écotaxe aboutira ainsi à augmenter l’émission de polluants, ce qui est le contraire du but affiché. L’écotaxe produira de la pollution.
8 – L’équilibre des territoires est rompu dès qu’il y a des inégalités d’accès. C’est la raison pour laquelle l’octroi, qui est une taxe d’ancien régime, a été supprimé par la Révolution française. C’est aussi la raison pour laquelle les négociateurs du CELIB, dans les années 60 et 70, voulaient pour la Bretagne des quatre-voies gratuites. Avec le système écotaxe, les villages qui auront le malheur de forcer un camion en fin de tournée à passer sous un portique risquent de ne plus être approvisionnés. Les zones rurales seront pénalisées, à la fois pour la production (les entreprises y seront moins concurrentielles) et pour la consommation (les coûts d’approvisionnement des ménages y seront plus élevés). L’écotaxe produira de l’inégalité.
9 – L’écotaxe est liée à la création d’un fichier «Big Brother» de mise sous tutelle et de surveillance, avec des données à caractères personnels. Seront inscrits dans le fichier : nom et adresse du redevable, adresse électronique, numéro de téléphone, coordonnées bancaires, adresse d’envoi des factures, nom des personnes pouvant disposer du véhicule, Les portiques écotaxe enregistreront les dates et heures de passage, ainsi que des images faisant apparaître la totalité de la cabine du véhicule, les points de géolocalisation associés, la destination. Le fichier pourra être consulté par d’autres administrations que les Douanes.
10 – Il est prévu de soumettre à l’écotaxe tous les camions de plus de 3,5 tonnes, qu’ils soient pleins ou vides. La logique «pollueur-payeur» rend cette barrière de 3,5 tonnes dérisoire. Tous les véhicules à moteur polluent. La généralisation de l’écotaxe à tous les véhicules -et le flicage à toute la population- serait la conséquence inévitable de son acceptation aujourd’hui sur les camions.
11 – L’écotaxe devrait aussi être payée par les camions des pays voisins. Toutefois, tous les pays du monde n’ont pas de convention de réciprocité ou de compatibilité dans l’équipement des camions. Les pavillons de complaisance, comme dans la marine marchande, sont inévitables.
12 – Pour la Bretagne, la mise en place de l’écotaxe aura un sens symbolique très fort : celui de la soumission des Bretons. L’absence d’octroi puis de péage sur les routes bretonnes a toujours été revendiquée comme le signe d’une spécificité bretonne, que certains font remonter à Anne de Bretagne. Admettre l’écotaxe, c’est admettre que les Bretons n’ont pas leur mot à dire dans l’administration de leur propre territoire.
Jean Pierre Le Mat